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La production scientifique mondiale est-elle en surchauffe, au risque de ne plus être tenable ? C’est l’une des conclusions auxquelles est arrivé un groupe de quatre chercheurs européens en calculant, parfois pour la première fois, plusieurs indicateurs décrivant cette production.
Leurs données, publiées dans Quantitative Science Studies, éclairent un secteur-clé du monde scientifique, les éditeurs de journaux, qui se partagent un secteur économique lucratif (estimé à 26,5 milliards de dollars en 2020). Parmi les plus connus, on trouve Elsevier (éditeur de The Lancet), Springer (éditeur de Nature), MDPI (Multidisciplinary Digital Publishing Institute, un acteur suisse récent) ou Wiley, qui a grossi en absorbant Hindawi, autre nouveau venu du secteur. Leurs revenus sont tirés soit de l’abonnement, soit de « frais de publication » payés par les auteurs des articles, qui deviennent gratuits pour tous à la lecture, soit des deux.
Entre 2016 et 2022, la quantité d’articles publiés et indexés dans les deux principales bases de données, Scopus et Web of Science, a grossi de près de 50 %, atteignant 2,8 millions d’articles. D’autres bases de données, comme Dimensions, couvrent plus de journaux et comptent en 2020 jusqu’à 4,5 millions de textes par an… Dans le même temps, la population des chercheurs a crû, mais moins vite, 16 % entre 2015 et 2022, même en prenant en compte des pays comme l’Inde et la Chine.
« La montagne sur notre dos augmente », se lamente Paolo Crosetto, coauteur de l’étude et économiste à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Cette pression a eu des conséquences, avec des relecteurs de plus en plus sollicités, difficiles à « recruter » (leur travail est gratuit) et qui sous-traitent parfois ce travail à leurs étudiants, voire désormais à des outils d’intelligence artificielle générative. Le site spécialisé Retraction Watch tient à jour une liste de comités éditoriaux démissionnaires pour des désaccords sur les modèles économiques, la productivité…
Mais cet indicateur de volume n’est pas la seule cause d’inquiétude. En s’intéressant aux politiques éditoriales, à la durée de l’évaluation par les pairs, au taux de rejet des articles et à un critère de « qualité », le facteur d’impact, ces chercheurs s’interrogent sur la qualité de la production. Une pratique éditoriale en plein essor interroge : la multiplication des « éditions spéciales », ou hors-séries, consacrées à un sous-thème de recherche, dont la responsabilité éditoriale est confiée à un chercheur. Quatre-vingt-huit pour cent des 213 344 articles de MDPI ont été publiés sous cette étiquette en 2022. « Ces numéros spéciaux n’ont plus rien de spéciaux tellement ils sont devenus nombreux », regrette Paolo Crosetto.
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